La Confrérie de Saint-Vincent

Saint-Vincent est le protecteur des vignerons et de la vigne. Il a été célébré à VÉTHEUIL par la Confrérie du même nom qui possédait sa propre chapelle dans l’église et se livrait à un certain nombre de rituels avec tous ses membres.

En effet, dès le Moyen-Âge, la viticulture était présente en région parisienne, surtout auprès des méandres de la Seine, le commerce du vin se faisant par la Seine vers Rouen et l’Angleterre.

Au XVIIIe siècle, un certain nombre de paroisses étaient grosses productrices de vin de la vallée de la Seine : St-Martin-La-Garenne, Guernes, Vétheuil, Haute-Isle, La-Roche-Guyon, etc… Chacune de ces paroisses possédait 100 ou 200 hectares de vignes et produisait plusieurs milliers d’hectolitres de vin. Le trafic sur la Seine était considérable vers Paris. Un voyageur comparait alors les coteaux de La-Roche-Guyon aux bords de la Gironde.

La fin du XIXe siècle a été la dernière phase du vignoble en région parisienne. Vers 1880-1890, l’activité a commencé à décliner sauf à Argenteuil et le pressoir de Mousseaux a fonctionné pour sa dernière année en 1894.

Ce déclin résultait de plusieurs causes : arrachage de la vigne pour la remplacer par du seigle, années de vente à perte, crise du phylloxéra, oïdium et mildiou après 1850, approvisionnement extérieur, mais aussi concurrence avec le cidre (plus rentable) dès 1750 dans le Vexin.

Dans la région de Mantes et vers Limetz en 1899, les prix des terres montrent la disparition progressive de la vigne et surtout mentionnent déjà les débuts de l’enfrichement des coteaux :

« Quand l’hectare de vigne ne vaut pas plus cher que l’hectare de bois taillis, c’est le signe que l’heure de la vigne est passée et qu’elle ne nourrit plus le paysan ; aussi la friche s’étend-elle rapidement sur ces coteaux qui, quelques décennies auparavant, retentissaient encore du cri des vendangeurs. Depuis un siècle ils n’ont pas changé d’aspect ; la vigne folle y jette encore ses pampres et, seule, une résidence secondaire troue quelquefois la masse buissonnante des arbustes qui y ont étendu leurs racines dans ce sol fécond devenu tout d’un coup ingrat. » (Marcel Lachiver)

La mutation de l’agriculture des coteaux est perçue dès les années 1930, puis intensifiée après les années 1950. En 1928 déjà, un arboriculteur de Haute-Isle, Ernest Colas, regrette l’exode vers les villes :

« C’était plaisir, alors, de voir le damier vert d’un vignoble fort prospère, exempt des maladies […] les noyers […] ont subi le même sort et sont devenus fort rares. La jeunesse des campagnes, plus instruite qu’autrefois, a émigré vers les villes, délaissant l’agriculture, fort ingrate à Haute-Isle, où l’usage des machines agricoles est pratiquement impossible dans les terres en pente. Les vieux cultivateurs se raréfient et ne se remplacent pas ; leurs terres deviennent incultes, les coteaux deviennent une vaste friche qu’envahissent ronces et épines […]. » 

Et c’est ainsi que la vigne disparut en grande partie des bords de Seine.

Mais qui était Saint-Vincent et pourquoi a-t-il été choisi pour devenir le saint patron des vignerons ?

Jeune diacre de Saragosse en Espagne, Vincent, né à Hues, mourut à Valence en l’an 304 après avoir été martyrisé. D’après les historiens, Saint-Vincent serait devenu le protecteur des vignerons de la région parisienne du fait que les premiers planteurs de vigne avaient oeuvré sous la dépendance de l’abbaye de Saint-Vincent qui conservait des reliques du Saint venues d’Espagne. Par la suite, cette abbaye devint St-Germain-des-Prés.

Selon certaines légendes, VIN représenterait le produit de la vigne tandis que CENT (SANG) représenterait le sang du Christ. Une autre légende assurerait que partout où l’âne de Vincent posait les sabots, la vigne devenait prospère !

La statue de Saint-Vincent dans l’église de Vétheuil

Les vignerons de Vétheuil et des environs s’étaient regroupés en une Confrérie pour des raisons sociales et religieuses. Nous ignorons la date exacte de la création de la Confrérie, il est possible qu’elle date du Moyen-Âge. En 1900, elle comptait encore 100 membres. Elle aurait été dissoute vers 1907.

Comme toutes les Confréries, elle possédait son règlement, une hiérarchie, des costumes et des insignes, des rituels. Elle tenait un registre et se livrait à des élections annuelles pour choisir celui qui serait détenteur du « bâton de procession ».

Le bâton de procession de Saint-Vincent sur la gauche de la photo

Le détenteur du bâton s’engageait à prendre à sa charge la fête de Saint-Vincent qui se fêtait le 22 janvier. Comme la Confrérie de la Charité, les membres de la Confrérie de Saint-Vincent avaient des oeuvres sociales.

Malheureusement, à part le bâton de rituel (premier quart du XVIe siècle) qui est classé aux Monuments Historiques et la statue de Saint-Vincent, nous ne possédons plus rien sur cette Confrérie de Vétheuil : toutes les archives ont disparu.

D’autres villages viticoles du Vexin possédaient également des Confréries de même type qui se sont éteintes à la même période. Mais il faut noter qu’il existe, encore aujourd’hui, de nombreuses Confréries de Saint-Vincent actives en France dans toutes les régions viticoles (Champagne, Bourgogne, …).

Le tableau qui illustre cet article « la vigne rouge » est de Vincent VAN GOGH, il a été peint en 1888 et fait partie des collections du Musée Pouchkine de Moscou.

Les photos de St-Vincent et des bâtons de procession sont de Pierre Poschadel.

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