Après la guerre, tous les vitraux de l’église avaient été soufflés par une explosion. Tous, sauf les deux vitraux renaissance de La Chapelle Notre-Dame-de-Grâce qui avaient été déposés – quel heureux hasard ! – juste avant les hostilités. Pendant des années, les ouvertures ont été obstruées de planches, avec deux inconvénients majeurs : l’église était plongée dans l’obscurité et elle n’était plus protégée contre l’humidité. Cette situation fut une aubaine pour les hirondelles et les chauves-souris qui trouvèrent un abri dans le monument.
Vint le temps de la restauration. Et elle prit beaucoup de temps. Lancée en 1949, elle fut terminée en 1975. Le coût était considérable car il fallait refaire 20 vitraux.
Mais comment fait-on sans sources documentaires précises ? Il faut noter qu’ à l’exception de rares vitraux Renaissance, les verrières en place avant l’explosion de 1944 dataient du Second Empire.
Pas de cartons de l’époque, peu ou pas de photos (à l’exception de quelques photos en noir et blanc pour le choeur, rien pour les chapelles latérales). Il faut donc se rapprocher de l’iconographie d’églises construites vers la même époque et s’inspirer de leurs dessins. Le peintre cartonnier propose un projet et les architectes sont décisionnaires.
La première commande fut faite auprès des maîtres verriers de la Maison LORIN de Chartres, avec l’artiste cartonnier Jean-Claude RIQUEUR. Une proposition faite à la Commission des Monuments Historiques fut débattue le 23 décembre 1949, nous en restituons intégralement le compte-rendu :
Rapporteur : M. Verrier
La question, qui se pose à Vétheuil pour le remplacement des vitraux détruits par la guerre et qui se posera dans maints édifices, est de savoir si l’on doit ou si l’on peut chercher à faire exécuter, même pour des églises aussi importantes un vaste ensemble de verrières à personnages dont le prix de revient élevé ne permettra qu’une exécution sur un très long laps de temps ou si l’on doit étudier des verrières plus simples où les éléments géométriques entreront pour une part importante tout en comportant des représentations figurées que réclament le clergé et les fidèles, coûteront sensiblement moins cher et pourront par suite être exécutés avant de trop longs délais.
M. Verrier estime que l’on doit dans bien des cas adopter cette dernière solution. C’est d’ailleurs celle dans le passé a prévalu aux époques de pauvreté comme la nôtre, pendant la guerre de Cent Ans, par exemple où l’on n’a pas hésité dans une église comme Saint-Ouen de Rouen à fermer par économie les immenses fenêtres de l’édifice par des verrières où les grisailles et les architectures simples entrent pour une grande partie et où les personnages se réduisent à une zone qui est à peine le ¼ de la hauteur des fenêtres.
Le projet de M. Lorin prévoit dans le choeur de l’église de Vétheuil qui est du XIIe siècle des vitraux géométriques sauf pour la fenêtre d’axe qui comporte une figure dont la couleur dominante rouge et bleue doit convenir dans une telle architecture ; le rapporteur, toutefois estime que les tonalités un peu trop claires et légèrement criardes devraient être réétudiées à l’exécution.
Dans les fenêtres du XVIe siècle, des grands personnages, souvent isolés, où le jaune domine comme il convient dans une architecture de cette époque, sur des fonds très légers, bleuâtres, grisâtres, jaunâtres, etc…d’une géométrie très sobre et régulière.
Le rapporteur termine son exposé en faisant connaître que le prix de revient de ces vitraux ressort aux environs de 20 000 Francs le m2 soit à peine le double de ce que coûterait un losange impersonnel, banal, monotone et finalement fâcheux pour l’édifice. Le clergé se propose d’apporter une participation substantielle à la réalisation de cette oeuvre.
Madame de Maillé formule des réserves sur le projet présenté. A son avis, il conviendrait de ne pas faire de vitraux à personnages mais uniquement des vitraux géométriques. Nous ne sommes pas qualifiés, pense-t-elle, pour juger de la qualité des vitraux qui nous sont présentés et nous risquons dans quelques années d’être très vivement critiqués ; aussi serait-il préférable d’adopter des solutions très prudentes et de ne faire que des vitraux simples à figures géométriques.
M. Verrier ne partage pas du tout ce point de vue. Il signale en outre que les fidèles réclament des vitraux à personnages et que nous n’accédons pas à leur désir, nous ne pourrons pas nous opposer à la réalisation de vitraux qui risquent d’être mauvais ou tout au moins de ne pas convenir au caractère de l’édifice et que le clergé fera exécuter à l’aide de donations.
La Commission se range à l’avis émis par le rapporteur. Elle approuve le principe de rechercher dans les circonstances actuelles une formule simple et bon marché mais qui permette néanmoins d’éviter l’établissement de vitreries losangées.
Le projet de M.Lorin est également approuvé sous les réserves formulées par M. Verrier dans son rapport..
Le maître verrier François LORIN commença donc le remplacement par les vitraux du choeur en 1953.
Poursuivant la restauration des vitraux dans le courant des années 1970, c’est au maître verrier Michel DURAND que l’on fit appel pour la réalisation de la plupart des verrières latérales basses ainsi que des deux vitraux de la façade occidentale.
C’est en grande partie grâce à l’action de l’Abbé LEMAIRE, qui occupait les fonctions de curé de Vétheuil de 1913 à 1972, que nous devons la restauration des verrières. De 1955 à 1961 dix vitraux furent restaurés et le dernier fut posé quelques années après la mort de l’abbé en 1972. Il faut noter que les abbés qui étaient en fonction à Vétheuil, étaient conscients de la richesse du patrimoine de l’église et s’investissaient pour le protéger.
Pour hâter le remplacement de l’ensemble des vitraux, l’abbé Lemaire fit appel à tous les paroissiens et il put contribuer au financement de manière très importante. En reconnaissance, son nom a été inscrit sur un des vitraux, celui qui fait face à l’est dans le croisillon nord.
De décembre 1955 à avril 1960, neuf vitraux furent restaurés et un dixième fut commandé par l’abbé Lemaire. Le vitrail de la deuxième chapelle sud fut intégralement payé par la famille Secordel. Le nom de la famille donatrice est inscrit dans le bas du vitrail.
Le dernier vitrail (vitrail est du croisillon sud) fut posé en 1975, soit trois années après le décès de l’abbé Lemaire. L’avant-dernier et le dernier vitrail sont l’oeuvre du maître verrier DURAND.
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L’atelier du Maître Vitraillier Michel DURAND, qui se situait à Orly et fut très actif pendant la période d’après-guerre et jusqu’aux années 1990 n’existe plus. Toutes les archives ont été conservées à la Médiathèque du Patrimoine.